Les découvertes

                                             

                                                                  Activité des fibres de la matière blanche du cerveau lors des connections neuronales.

 

  • A LA MILLISECONDE PRÈS ... Conscient et Inconscient

Stanislas Dehaene annonce : les expérimentateurs sont parvenus à distinguer les signaux cérébraux de ces deux types d’activités cérébrales, conscientes et inconscientes. Les outils de cette exploration ? L’électro- et la magneto- encéphalographies - dites EEG et MEG, et l’imagerie par résonance magnétique, l’IRM.

Les premières permettent de suivre l’activité neuronale en temps réel, à la milliseconde près. L’IRM visualisant de son côté l’ensemble du cerveau à l’échelle du millimètre et plusieurs fois par seconde. S’y est ajoutée la possibilité de réaliser des observations rares mais précieuses. Lors d’implantation d’électrodes au profond du cerveau, pour des traitements médicaux, certains patients ont accepté de participer à des expériences de psychologie cognitive durant lesquelles des régions profondes, et même «des neurones individuels», se réjouit le chercheur, ont pu être observés.

Les progrès techniques de ces outils, dont les IRM du centre Neurospin de Saclay (3) où travaille l’équipe de Stanislas Dehaene, ont permis aux neuroscientifiques de suivre le trajet d’informations - mot trompeur, il s’agit de signaux électriques et chimiques - dans les circuits neuronaux. Et donc de découvrir le «code» neural - l’ensemble des neurones qu’ils «allument» - d’un mot, d’une image, d’un souvenir.

«Chez le rat on peut ainsi identifier le lieu où il est ou le lieu où il croit être en surveillant la décharge de quelques dizaines de neurones du gyrus parahippocampique», lit-on ainsi dans le livre de Dehaene. Inversement, il est possible de déclencher chez un sujet d’expérience la remémoration d’un souvenir, ou une«hallucination» - le cerveau «voit» ce que les yeux ne lui proposent pas - en stimulant des neurones identifiés, par un dispositif magnétique posé sur la tête ou électriquement par une électrode implantée.

L'inconscient est rapide, le conscient est lent

Ces nouvelles capacités d’observation ont permis de discerner les deux modes de traitement, conscient et inconscient, d’une information. L’inconscient est rapide, n’utilise que des circuits spécialisés et bien délimités dans le cerveau. Le mode conscient, lui, a d’abord besoin de temps. Toute information qui est présentée moins de 50 millisecondes aux sens lui demeure invisible (littéralement lorsqu’il s’agit d’un stimulus visuel). Des expériences réalisées par l’équipe de Dehaene montrent qu’entre 100 et 200 millisecondes, après un stimulus visuel comme l’apparition d’un mot dans une série de lettres aléatoires, une onde cérébrale naît dans le cortex occipital que le mot ait été déclaré ensuite«vu» ou «non vu» par les sujets d’expériences, montrant que le mot «entre dans le cortex visuel» un circuit spécialisé.

Puis, le cerveau se comporte de manières diamétralement opposées, signant les deux types de traitement. S’il reste inconscient, et le mot déclaré «non vu», l’onde cérébrale s’efface vers 400 millisecondes après le stimulus. A l’inverse, lorsque le mot est déclaré «vu» et le traitement conscient, l’onde s’élance vers l’avant du cerveau, les lobes frontaux et des régions pariétales«s’allument», puis une onde repart vers l’arrière du cerveau vers le cortex visuel primaire.

Dans cette expérience, les mots qui apparaissent dans la suite de lettres, sont identiques. Seule une astuce expérimentale, le détournement de l’attention des sujets, permet de «voir» le cerveau traiter de manière inconsciente ou consciente la même information. Et donc de chronométrer et de visualiser l’accès d’une information à la conscience.

Un espace de travail neuronal

Cette approche peut sembler rudimentaire, même si ce type d’expériences a été raffiné, et remis sur le métier avec patience et persévérance. Pourtant, l’élucidation du trajet cérébral d’une information élémentaire dont on est certain qu’elle a été traitée consciemment débouche sur des hypothèses très fortes quant au fonctionnement de la conscience. Des hypothèses de surcroît reliées à des observations anatomiques précises de la structure du cerveau humain. Ces hypothèses théoriques sont nécessaires, puisque les appareils d’imagerie cérébrale ne visualisent pas, et ne le feront peut-être jamais, «les décharges des cent mille millions de neurones que contient le cerveau humain» au moment où il traite de manière consciente des informations complexes.

L’hypothèse forte, c’est l’existence dans le cerveau d’un «espace de travail neuronal global», un concept partagé par toute une école de pensée dans la communauté neuroscientifique. La conscience, écrit Dehaene, «c’est la diffusion d’une information dans le cerveau pour la rendre disponible à la mémoire de travail ou à long terme, et aux systèmes d’évaluation, de focalisation d’attention, perceptifs, moteurs, par les autoroutes neuronales, les faisceaux d’axones de quelques millimètres de diamètre.»

Le secret anatomique du niveau élevé de conscience des êtres humains se situe donc dans l’alliance entre des dizaines de milliards de neurones qui peuvent être chacun connectés à 15.000 de leurs semblables et un câblage à grande échelle qui relie les différentes zones cérébrales de manière hiérarchisée (ici le site du projet Connectome des NIH américains). C’est si vrai que l’implantation chez des souris d’un gène spécifiquement humain, lié au haut degré de connexion de nos neurones, les dote d’un cerveau aux neurones plus complexes. Ces «super-souris» se révèlent alors plus futées que leurs congénères non mutées.

 

  • LES DECOUVERTES EN NEUROSCIENCES TRANSFORMENT NOTRE CONCEPTION DE L'APPRENTISSAGE.

Mario Beauregard, ce chercheur en neurosciences de l’Université de Montréal nous explique  comment les avancées des neurosciences vont transformer notre manière de comprendre le cerveau et la conscience, et en quoi cela va faire évoluer notre manière de concevoir l’apprentissage tant pour les enfants que pour les adultes.

La plasticité cérébrale une donnée qui change notre manière de comprendre l’apprentissage. Il est possible d’apprendre à tout âge ! Voici ce qu’en dit ce chercheur : « Jusqu’aux années 1970-80, le dogme central en neurosciences, mais aussi en pédagogie et didactique  était que le cerveau adulte était une machine « câblée » de manière statique, sans capacité à se modifier et à produire de nouveaux neurones. Mais les études scientifiques qui menèrent à la découverte révolutionnaire de la neuroplasticité, ainsi que d’autres études remarquables, ont tout bonnement montré le contraire : le cerveau humain adulte est constamment en train de changer sa structure et sa fonction en créant de nouveaux neurones et de nouvelles connexions synaptiques, et en réorganisant les réseaux neuronaux existants ou en élaborant de nouveaux réseaux. Nous ne sommes guère coincés avec le cerveau

Court-circuiter la peur.

Des changements dans les pensées et les émotions ont le pouvoir de transformer le cerveau. Mario Beauregard et son équipe  ont entamé un travail de thérapie avec des personnes phobiques aux araignées afin de diminuer leurs peurs. En un mois de temps les résultats observés (aucune activation de la fonction hippocampique en situation habituelle de phobie) suggérèrent que les participants à cette recherche avaient fonctionnellement recâblés leur propre cerveau en seulement un mois.

La maîtrise mentale des émotions.

Il est notoirement reconnu, tant au plan des recherches scientifiques qu’au plan expérientiel,  que notre état émotionnel influence notre vision et compréhension des situations. Certaines émotions peuvent être destructrices, en effet, elles constituent l’une des causes majeures de la souffrance humaine. Heureusement nous pouvons apprendre volontairement à moduler nos réactions émotionnelles. Mario Beauregard conclut ainsi sur cette question : « Les résultats de nos études d’imagerie cérébrale suggèrent qu’il est effectivement possible d’influencer rapidement la chimie cérébrale relative aux émotions et à l’humeur, ainsi que les régions du cerveau impliquées dans les réactions émotionnelles. Si cela est possible, alors à quels résultats à long-terme peut-on advenir en entraînant notre esprit et notre cerveau ? Quelques neuroscientifiques curieux, parmi lesquels je me compte, ont pénétré sur ce sentier… »

Les effets bénéfiques d’un entraînement spécifique à l’attention-concentration par la méditation aussi appelée pleine conscience ou mindfulness.

Le concept de méditation fait référence à toute une gamme de techniques d’entraînement mental qui ont été développées à différentes fins, notamment pour favoriser l’équilibre émotionnel et le bien être.

C’est, notamment,  Matthieu Ricard qui a fait connaître en France les recherches menées en neurosciences sur la plasticité cérébrale et les effets des pratiques méditatives sur la conscience. Il a dés le début des années 2000 collaboré avec Richard Davidson (neuroscientifique). Les résultats montrent que plus on pratique, plus la neuroplasticité est importante, et les changements se concrétisent dans les comportements. C’est ainsi que les sujets qui pratiquent sont plus ouverts, plus attentifs et concentrés sur des tâches complexes, plus présents aux autres,  plus intuitifs et plus compatissants.

Conséquences dans les pratiques éducatives.

Nous savons maintenant que l’entraînement mental augmente les capacités cognitives, renforce l’activité des régions et des circuits cérébraux impliqués dans l’attention-concentration, mais aussi dans l’empathie, la compassion et le bien être émotionnel.Pour ce qui nous intéresse, plus particulièrement en éducation et en formation, ce sont de nouvelles approches pédagogiques qui se dessinent. Elles n’ont rien de révolutionnaires et ont déjà été plus ou moins mises en oeuvre par des pédagogues illustres (Montessori, Decroly, De La Garanderie, Vittoz…). Force est de constater que ces approches restent encore à la marge. Le défi est de les généraliser à l’ensemble d’un système éducatif et de formation.